mardi, octobre 23, 2007

L'esclavage supprimé du programme en primaire

L'esclavage n'est plus un "point fort" du programme en primaire

L’Education nationale est-elle frappée de schizophrénie en matière d’enseignement de l’esclavage? En avril, les profs d’histoire-géographie du secondaire recevaient une note pour préparer la journée commémorative de l’esclavage, le 10 mai. Une nouveauté introduite par la loi Taubira, et présentée à l’époque comme un symbole fort. Or, au mois d’avril également, le ministère publiait un arrêté visant à la refonte des programmes scolaires en primaire, qui rétrogradait de facto la place que l’on accorde à l’esclavage dans les manuels.
La traite négrière n’était, initialement, pas le seul point d’histoire concerné: dans son arrêté daté du 4 avril, la direction générale de l’enseignement scolaire a en fait supprimé parmi la liste des points fort estampillés comme tel dans les programmes du cycle III, non seulement l’esclavage, mais aussi la Shoah. Tollé.
Il faut laisser passer l’été pour découvrir la suite de ce feuilleton très discret: en septembre, la commission chargée de remanier les programmes fait marche arrière. L’extermination des juifs pendant la Seconde guerre mondiale fait son retour dans la liste des points forts. Mais pas l’esclavage.
"Simplification hautement symbolique"
Introduite dans les programmes par la loi de 2002, la question est souvent enseignée en niveau CM1. La référence à la période figure toujours dans les programmes d’histoire moderne. Mais plus dans la liste des points forts essentiels de l’enseignement primaire. Une liste officielle qui permet aux enseignants de vérifier le niveau des connaissances qu’ils peuvent exiger de chaque élève. François Durpaire, historien et président de l’Institut des Diasporas noires francophones y voit une "simplification hautement symbolique". Enseignant l’histoire à l’université de Cergy Pontoise, il parle de "cacophonie" et a décidé de médiatiser le problème:
"Au moment où l’on demande aux enseignants de faire toute sa place à l’esclavage à l’école, on l’exclue des grandes questions à faire mémoriser aux élèves. C’est un signe qui est donné. Or il faut veiller à ce qu’on retiendra des programmes au bout du compte."
L’historien François Durpaire entend ne pas céder à une certaine "paranoïa" mais souligne l’importance de ne pas édulcorer l’Histoire telle qu’elle est racontée aux élèves:

Au ministère, on a mis plusieurs jours à s’assurer de quoi il s’agissait, minimisant d’abord la portée de ces listes de points forts. Puis on a fait valoir qu’il ne s’agit que d’un souci de simplification pour abréger les textes officiels. Avant de confirmer que des modifications étaient bien en cours dans les programmes, et notamment cette suppression du terme "esclavage" dans la liste des points forts, même si "le temps des découvertes, qui correspond à la période, est bien maintenu". "Mais c’est une question essentielle, et il faut s’interroger sur la meilleure manière de parler d’un tel sujet. Un document complémentaire doit venir expliciter les façons les plus opportunes d’aborder la question", fait valoir le Bureau des écoles, qui gère les programmes du primaire.
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Par Chloé Leprince, Rue89, 01/10/2007

dimanche, octobre 14, 2007

Les tests ADN ou le triomphe d’une conception raciologique et ethnique de la Nation


Sous le pretexte fallacieux de lutter contre les fraudes, l'amendement Mariani sur les tests ADN, encadrant désormais l'entrée des candidats au regroupement familial, symbolise la première dérive raciste et xenophobe d'une conception de la Nation qui se veut non plus républicaine mais ethnique.


"Il y a plus de problème pour un enfant d'un immigré d'Afrique noire ou d'Afrique du Nord que pour un fils de Suédois, de Danois ou de Hongrois. Parce que la culture, parce que la polygamie, parce que les origines sociales font qu'il a plus de difficultés". Ces propos, tenus dans l’émission politique « A vous de juger » en novembre 2005 par l’ancien candidat à l’élection présidentielle, Nicolas SARKOZY, devenu entre temps président, annonçaient déjà la couleur. De ce qui allait s’imposer comme une véritable dérive de la conception française de la Nation. Premier jet de celle-ci : l’amendement Mariani sur les tests ADN. Qui ne sont qu’un pallier parmi d’autres mesures à venir sur le dispositif de lutte contre l’immigration d’origine extra-européenne en général et sud-saharienne en particulier. Destiné aux ressortissants de l’Afrique noire, ceux qui ne sont pas assez entrés dans l’histoire (discours de Dakar, tout le monde s’en souvient), ce dispositif de lutte contre l’immigration subie est d’abord un clin d’œil politique à l’opinion publique nationale manipulée par les médias officiels qui distillent les thèses nauséabondes d’une certaine « haine imaginaire » qu’entretiendraient les citoyens de couleur à l’endroit de la France (Souvenez-vous des ratonnades anti-blancs). Il s’agit donc pour la droite majoritaire de poser un acte politique fort au sujet de la question immigrée devenue l’aune à laquelle se mesure et se juge aujourd’hui en France « le sérieux » d’un gouvernement en matière de gestion de la Cité. En filigrane, on l’aura compris, si la France va mal c’est d’abord à cause des immigrés d’Afrique noire « estampillés gros consommateurs d’allocs dans l’imaginaire du français de base », à qui l’on fait endosser la responsabilité du trou de la sécu, des déficits publics, du chômage de Madame Michu, bref de la crise qui touche les ménages français.
La banalisation de cette vision politique de l’immigré africain a fini par ouvrir la brèche à des idéologies régressives comme la conception ethnique de l’identité française dont le FN n’a plus le monopole. Au-delà de celle-ci, ce sont même les fondements de l’Etat-nation français qui sont entrain d’être démantelés avec en toile de fond la marginalisation, la criminalisation, voire la diabolisation des couches de population d’origine extra-européenne. L’enjeu est de taille. Pourtant, « la nation historique moderne française - symboliquement née avec la révolution française et qui a connu son épanouissement en Europe occidentale jusqu’à la première guerre mondiale - a été une forme politique qui a transcendé les différences entre les populations qu’il s’agisse des différences objectives d’origine sociale, religieuse, régionale ou nationale (dans les pays d’immigration) ou des différences d’identité collective, et les a intégrées en une unité organisée autour d’un projet politique commun »[1]. Aujourd’hui tout cela n’est plus que vieille histoire et qu’il faut stopper à tout prix le polygame africain, érigé à tort en symbole absolu de la désintégration culturelle et politique de la France. Les thuriféraires de l’instrumentalisation politique de la question immigré ont vite fait de trouver en lui le coupable idéal du « mal français », ignorant pour certains qu’ils sont eux-mêmes des citoyens dont les parents étaient étrangers. Mais que signifie donc cette réorientation conceptuelle de la Nation française éloignée de l’expérience sociale ?
En effet, l’élargissement de l’espace social national, - dans les démocraties occidentales, conséquence directe de la stabilisation du phénomène des flux migratoires, de l’accélération du processus européen d’intégration communautaire concrétisé, entre autre par le projet de l’élaboration d’une politique commune européenne de l’immigration prévue par le traité de d’Amsterdam ainsi que les effets de la mondialisation, - a posé avec force la question de la présence et de la place des minorités ethniques en Europe. Leur sédentarisation et leur installation progressive depuis l’arrêt officiel de l’immigration de travail en 1974, ont débouché sur les questions autour de leur citoyenneté et de leur participation à la vie politique. Par ailleurs, ces minorités sont accusées à tort de entrer en concurrence avec les nationaux de souche européenne dans divers domaines dont celui de la reconnaissance symbolique par l’Etat qu’elles veulent, en plus, semble-t-il, condamner à la repentance. L’irruption presque brutale dans le débat public du passé colonial de l’Etat français était un signe avant-coureur qui a mis en lumière le projet en sourdine d’une redéfinition des frontières symboliques entre nationaux de souche et nationaux extra-européens. Le but étant de créer une sorte d’ennemi intérieur qui serait en l’occurrence l’étranger non européen bouc émissaire choisi pour endosser la responsabilité des maux dont souffre la France.
Ce discours d’une France en état de siège plombant sous la fracture ethnique, est vulgarisé par une certaine élite politique et intellectuelle très médiatisée. Il vise à accréditer l’idée que si la France n’avance pas, c’est parce que de hordes sauvages sorties de la brousse lointaine africaine sont venues la coloniser, et que celles-ci annoncent dans un futur proche le péril français sous l’effet du communautarisme grandissant. Impensable aux pays des droits de l’homme, la citoyenneté de couleur ne saurait être compatible avec la vision d’une nouvelle France qui ne peut se reconstruire que sur la base d’une opposition « Eux » et « Nous ». D’où la création d’un ministère associant ignoblement les notions de l’immigration et de l’identité nationale. D’où l’exhumation récente, aussi, des fantasmes antédiluviens largement médiatisés sur l’(in)humanité nègre qui vont de la bite aux odeurs en passant par leurs coutumes et leur mentalité prélogique.
Alors que les fantômes de la barbarie nazie continuent de hanter les vieilles nations européennes, il est surprenant de voir, en France, l’exhumation, à travers les tests ADN, des procédés ignobles de tri sélectif ethnique qui ciblent et stigmatisent une catégorie de la population. Est-il besoin de rappeler que c’est le recensement de la population selon une classification ethnique et raciale qui avait permis les manipulations politico administratives sous le régime de Vichy. La classe politique française semble décidément avoir la mémoire courte, en fournissant une interprétation ethnique comme réponse face au défi multiculturel. Si jusqu’à Si jusqu’à hier, la conception française de l’intégration avait toujours cohabité avec une vision pluriethnique du corps social, force est de reconnaître que l’instrumentation politique de la question immigrée, a précipité celle-ci vers une impasse. Celle de la crispation de « l’identité française » désormais repensée sur les bases tendancieuses de la génétique.

C. N.



[1] Dominique Schapper, cité par Mohand Khellil, sociologie de l’intégration, PUF,1997.

mardi, octobre 09, 2007

Mamadou, tes papiers !



Scènes de vie courante : dans le Limousin la cueillette de pommes tourne à la rafle de Négrillons

Concèze. Un bourg situé dans le département de la Corrèze coincé entre la Dordogne et le Limousin à une demi-heure de route de Brive la gaillarde. Ce petit village fleuri de quelques 400 habitants, connu pour sa production de pommes, a été le théâtre, le vendredi 21 septembre 2007, d’un événement un peu étrange. Une dizaine de policiers en uniforme ont pris d’assaut l’île des vergers pour cueillir non pas le célèbre fruit biblique défendu mais le travailleur clandestin. Une espèce qui paraît-il y pousse en cette période de cueillette. Du jamais vu de mémoire de Concézards habitués au bruit des tracteurs et au meuglement des vaches qui peuplent les près verdoyants de ce havre de pommiers perdu au fin fond du limousin.

« Nous sommes sous l’ère Sarko, Mamadou tes papiers ! »

Le spectacle débuta vers 7h30 de cette journée du 21 septembre pas franchement aux pommes avec l’immobilisation de l’autocar des cueilleurs venu de Brive à hauteur de Objat, une commune située à quelques encablures du fief limousin du rugby. Le spectacle aux allures de rafle avait de quoi surprendre plus d’un cueilleur encore endormis au crépuscule du jour, malgré le son bourdonnant de la radio. Interrogatoire et traditionnel contrôle d’identité s’ensuivent. Le malaise est perceptible chez la plupart des forçats des champs, quelques timides chuchotements fusent en guise de protestation. Des échanges s’improvisent entre cueilleurs. Mais rien de plus. « Nous sommes sous l’ère Sarko, Mamadou tes papiers ! », ironise un cueilleur. « Moi je suis blanc, je suis français » fait valoir un jeune passager à l’endroit de son collègue qui le taquine sur ses origines. Détail éminemment important. On avait presque failli l’oublier surtout par les temps qui courent où il vaut mieux descendre du Cro-Magnon que du Grimaldien bien que le premier soit issu du second. Quelques passagers sont en règle, d’autres pas, et c’est une liste de noms qui servira de trace aux officiers de l’ordre pour confondre les indésirables venus manger le pain des français. On crut le temps d’une journée de travail l’incident clos. Mais c’était sans compter avec le zèle presque ridicule des forces de l’ordre venues avec la ferme intention de nettoyer les champs de pommes au karcher. Au grand dam des cultivateurs qui durent faire le pied de grue jusqu’en milieu de matinée. La navette affrétée par le Conseil général de la Corrèze pour le transport des cueilleurs ne terminera sa tournée des champs que vers 9 h, soit une heure de retard par rapport à l’horaire d’embauche habituel.


En situation régulière, mais embarqué sous forte escorte policière

A 15 heures tapantes, le bruit feuilletant de la cueillette de la pomme laisse étrangement place à celui intimidant des bottes. Annonçant la couleur des échanges « feutrés » mais glaciaux entre certains cueilleurs « noirs » et agents de l’ordre. Pickings et pallox laissent place le temps d’un interrogatoire aux policiers qui leur volent outrageusement la vedette. Un silence de cimetière s’abat sur Concèze. Le malaise s’installe, on sent à travers le creux des orbites de l’énervement, de l’agacement. Les exploitants agricoles sont déroutés, certains ne comprennent rien à cette visite inopinée qu’ils assimilent à une forme de malédiction. Ils craignent leur réputation. Combien avez-vous de travailleurs ? S’empresse de demander un gendarme zélé et manifestement content d’exécuter son numéro de shérif yankee à un cultivateur. Le regard se voulant en plus promeneur vers les bois alentour. A la recherche d’un potentiel « gibier noir » non autorisé dissimulé dans la brousse limousine. Monsieur N.G*. répond six. La vérification est aussitôt faite sur les déclarations transmises auprès de la MSA (Mutualité sociale Agricole). Deux cueilleurs sont d’entrée de jeu suspectés et comme par hasard, il s’agit des Noirs. De quoi tomber dans les pommes. Encore des Noirs. Des mamadous pommés au milieu des champs, seuls et impuissants face à l’adversité, à l’injustice, travailleurs immigrés abonnés aux humiliations et vexations, affublés de toutes sortes de noms d’oiseaux qu’il serait ici inutile de rappeler. L’un d’entre eux en fera les frais. F.B., marié et père de famille en situation REGULIERE. « Vous arrêtez tout maintenant » ! « Vous arrêtez de téléphoner ! » « Vous avez votre titre de séjour ! » « Où sont vos affaires ? » « Vous savez que vous n’avez pas le droit de travailler ! » tonne l’agent de l’ordre en direction de F.B*. L’intéressé avait pourtant déjà signalé dès le premier contrôle de l’aube qu’il n’avait aucun papier sur lui. Sa nouvelle carte vitale avec photo et les photocopies de son livret de famille ne lui donneront malheureusement pas quitus. Il sera embarqué sous forte escorte policière sans la moindre explication, délogé de son lieu de travail, humilié devant les collègues. Inutile de rappeler que de nombreux collègues blancs n’avaient pas leurs papiers sur eux. F.B. quittera la gendarmerie deux heures plus tard, après une énième re-vérification de son identité et après avoir été traîné dans la boue de Concèze tel un malfrat. Dans son for intérieur blessé résonne encore ce refrain que tout afrodescendant connaît désormais par cœur : « pourquoi moi Mamadou je dois me justifier au pays du colonisateur qui n’a pas encore quitté le mien qu’il continue de piller en toute liberté». Les « mâchures » de pommes devenant à jamais des véritables blessures de peau.



C. N.
* Les personnes citées souhaitent garder l’anonymat.

lundi, octobre 08, 2007

La déclaration des droits de l'homme en swahili


Kifungu cha 1
Watu wote wamezaliwa huru, hadhi na haki zao ni sawa. Wote wamejaliwa akili na dhamiri, hivyo yapasa watendeane kindugu.

Article 1er
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

Kifungu cha 2
1) Kila mtu anastahili kuwa na haki zote na uhuru wote ambao umeelezwa katika Taarifa hii bila ubaguzi wo wote. Yaani bila kubaguana kwa rangi, taifa, wanaume kwa wanawake, dini, siasa, fikara, asili ya taifa la mtu, mali, kwa kizazi au kwa hali nyingine yo yote.
Article 2
1) Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.
2) Juu ya hayo usifanye ubaguzi kwa kutegemea siasa, utawala au kwa kutegemea uhusiano wa nchi fulani na mataifa mengine au nchi ya asili ya mtu, haidhuru nchi hiyo iwe inayojitawala, ya udhamini, isiyojitawala au inayotawaliwa na nchi nyingine kwa hali ya namna yo yote.
2) De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté.
Kifungu cha 3
Kila mtu ana haki ya kuishi, haki ya uhuru, na haki ya kulindwa nafsi yake.

Article 3
Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.
Kifungu cha 4
Mtu ye yote asifanywe mtumwa au mtwana; utumwa na biashara yake ni marufuku kwa kila hali.

Article 4
Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.


Source afrikara